• Codépendance des membres de l’entourage

    La codépendance (ou dépendance relationnelle) est un ensemble de comportements inadaptés qu’un proche d’une personne dépendante développe à l’égard de celle-ci. Elle s’explique par le contact prolongé de l’entourage proche avec une personne dépendante à l’alcool (ou une autre drogue) et les adaptations relationnelles majeures que cette relation va engendrer. Le désir de venir en aide à cette personne pour qu’elle arrête de consommer, pour la « sauver », se heurte rapidement au dépit de l’absence de changement. Le codépendant va peu à peu s’accommoder à cette situation déstructurante.

    L’individu codépendant est celui qui s’est laissé affecter par le comportement d’un autre individu et qui cherche de façon obsessionnelle à contrôler le comportement de cette autre personne, malgré les conséquences que cela peut engendrer pour lui et/ou pour l’autre.

    À l’instar du malade dépendant, le codépendant perd également la maîtrise de sa vie en essayant de « l’aider » à tout prix (sans aucun succès) et en sacrifiant pour cela son propre épanouissement.

     La codépendance nuit donc aux personnes qui en sont atteintes et au dépendant lui-même. Elle n’encourage en effet pas ce dernier à envisager des changements dans sa vie personnelle, conjugale ou professionnelle. Elle contribue à dissimuler la dépendance de la personne qui en souffre aux yeux des proches et moins proches, et transforme le codépendant en complice honteux de son partenaire dépendant.

     

    Nota bene : les enfants de personnes alcoolodépendantes peuvent aussi développer une relation de codépendance avec leur parent malade. Leur situation mérite d’être prise en considération et ils ont souvent besoin d’un accompagnement spécifique (voir contacts ci-dessous). 

     

    Syndrome de la codépendance

     

    La codépendance est caractérisée par le déni (refus inconscient de se rendre compte de la réalité du problème), qui empêche de chercher de l'aide et enfonce dans la codépendance, la honte, la peur, le désespoir, l’anxiété et la culpabilité. Souvent, les codépendants éprouvent de la culpabilité quand les autres ont un problème, ne respectent pas leurs limites et sont prêts à tout assumer à leur place. Ils se sentent obligés – voire presque contraints – d’aider l’autre, disent « oui » quand ils veulent dire « non » et prennent en charge des tâches qui ne leur appartiennent pas. Ils s’efforcent de plaire aux autres au lieu de se plaire à eux-mêmes, ils vont au-devant de leurs besoins, essaient de tout contrôler, ne pensent ni à leur bien-être ni à leurs propres besoins ; ils voudraient tout faire à la place de l’autre et ont de la peine à demander de l’aide.

     

    Des conséquences nombreuses et souvent sous-estimées

     

    Au niveau comportemental et sentimental, les codépendants éprouvent du ressentiment, car leurs efforts ne récoltent pas les fruits escomptés et la reconnaissance des autres ne se manifeste pas. Ils les en blâment pour leur propre mal-être, car ils ont l’impression qu’ils passent leur vie à donner sans que personne ne leur donne rien en retour. À leurs yeux, ce sont les autres qui sont responsables du pétrin dans lequel ils se trouvent ; pour cette raison, ils deviennent agressifs, délaissent leurs intérêts, manquent d’estime envers eux-mêmes, refusent les compliments, s’accusent de tout, se dévalorisent. Se considérant comme des victimes, ils interprètent mal ce qu’on leur dit. Ils redoutent de commettre des erreurs et d’être rejetés par les autres. Ils entretiennent des idées suicidaires et éprouvent de la peur à l’idée d’être considérés comme des égoïstes, ils ont la hantise se retrouver seuls, de perdre l’autre, d’être ce qu'ils sont vraiment (émotions propres + limites).

     

    Au niveau physique, les codépendants s’exposent fortement à l’apparition de troubles de type psychosomatique importants tels que : troubles du sommeil, douleurs multiples (dos, migraines, articulations), troubles digestifs, problèmes cardio-vasculaires, difficultés à se concentrer, problèmes de mémoire, problèmes sexuels, accidents ou fractures.

    Finalement, les codépendants se font de plus en plus tolérants, jusqu’à accepter des choses qu’ils prétendaient s’interdire. Se laissant blesser par les autres, ils éprouvent de plus en plus de colère et d’amertume.

     

    Comment se soigner de la codépendance ?

     

    En prenant dans un premier temps conscience du problème et en acceptant de rechercher de l’aide et d’en parler avec un spécialiste ou un groupe d’entraide. La codépendance se soigne par une thérapie appropriée individuelle et de groupe.

     

    Conseil d’un spécialiste des dépendances :

    « Comme l’alcoolique, sa famille est marquée par un sentiment d’isolement et de découragement. Comme lui, elle va mal et a besoin de soutien. Dans les réunions de groupe qui lui sont destinées, elle trouvera information, compréhension et solidarité. Les proches d’une personne alcoolique devraient être vivement encouragées à intégrer un groupe d’entraide, que ce soit au sein d’une association, d’une structure hospitalière ou d’un centre spécialisé en alcoologie. Essayer, soyez actifs, et vous serez surpris de constater à quel point cela peut être aidant. Le plus important est de ne pas rester seul face à l’immensité des problèmes[1]. »

     

    Comme le démontre avec conviction le témoignage de Cécile p. , pour sortir de la relation de codépendance, il est essentiel de prendre conscience du rôle que l’on joue et d’accepter de se changer soi-même. Avoir le courage de lâcher prise en laissant le partenaire prendre lui-même ses responsabilités par rapport à sa dépendance et à ce qu’elle entraîne au quotidien, c’est prendre le risque d’accepter de le laisser se détruire sans rien essayer de faire : c’est à ce prix qu’une dynamique de changement peut se développer pour soi-même et, par voie de conséquence, pour l’autre. Il est nécessaire de prendre du temps pour soi-même, de travailler à la prise de conscience de ses besoins et de ses propres limites.

    Surtout, n’hésitez pas à rechercher de l’aide à l’extérieur, car ce processus de transformation est complexe et difficile à mener tout seul.

     

     

    TEST DE CODÉPENDANCE DE KITCHENS[2]

     

    Encerclez la réponse qui se rapproche le plus de votre comportement habituel.

     

    Presque jamais         0        Rarement                1        Occasionnellement    2

    Souvent                 3        Habituellement         4

                      

    1.

    Je me prends habituellement très au sérieux. Pour moi, la vie est dure à vivre.

    0

    1

    2

    3

    4

    2.

    J’éprouve de la difficulté à me sentir à l’aise même avec des proches.

    0

    1

    2

    3

    4

    3.

    Je fais tout pour éviter les affrontements et les disputes.

    0

    1

    2

    3

    4

    4.

    Je cherche absolument à être rassuré et approuvé par les autres parce que je ne suis pas sûr de moi.

     

    0

     

    1

     

    2

     

    3

     

    4

    5.

    Je réagis très fortement aux changements sur lesquels je n’ai pas de contrôle.

    0

    1

    2

    3

    4

    6.

    Je suis très loyal même lorsqu’il est évident que les gens ne le méritent pas.

    0

    1

    2

    3

    4

    7.

    Je refoule ma colère.

    0

    1

    2

    3

    4

    8.

    J’ai peur des gens, particulièrement des figures d’autorité.

    0

    1

    2

    3

    4

    9.

    J’ai tendance à m’engager dans une ligne d’action et à ne pas m’en écarter, même si je constate que je me suis trompé.

     

    0

     

    1

     

    2

     

    3

     

    4

    10

    Je ne supporte pas l’échec.  Quand j’échoue, je crois que je ne vaux rien.

    0

    1

    2

    3

    4

    11

    J’ai une très grande peur de me faire critiquer.

    0

    1

    2

    3

    4

    12

    Je me sens seul et je m’isole.

    0

    1

    2

    3

    4

    13.

    Je crois que je n’ai pas le droit de rompre les liens avec les gens, même s’ils me méprisent ou m’abaissent

     

    0

     

    1

     

    2

     

    3

     

    4

    14

    J’ai l’impression d’avoir peu de contrôle sur ma vie.

    0

    1

    2

    3

    4

    15

    Je me sens coupable lorsque je prends ma place  et/ou que je m’affirme.

    0

    1

    2

    3

    4

    16

    J’ai l’impression d’avoir perdu la capacité de ressentir mes émotions.

    0

    1

    2

    3

    4

    17

    Je suis très exigeant envers moi.

    0

    1

    2

    3

    4

    18

    Je suis très anxieux à l’idée d’être rejeté.

    0

    1

    2

    3

    4

    19.   

    J’ai de la difficulté à m’amuser. Je me sens mal et/ou coupable de prendre du bon temps.

     

    0

     

    1

     

    2

     

    3

     

    4

    20

    J’ai de la difficulté à attendre pour me faire plaisir et/ou pour m’amuser.

    0

    1

    2

    3

    4

    21

    J’ai de la difficulté à exprimer ce que je ressens.

    0

    1

    2

    3

    4

    22

    Je ne peux pas dire « non » sans me sentir coupable.

    0

    1

    2

    3

    4

    23

    Je me sens extrêmement mal lorsque je fais des erreurs.

    0

    1

    2

    3

    4

    24

    Je ne m’aime pas. J’ai une très mauvaise image de moi.

    0

    1

    2

    3

    4

    25

    Je ne fais pas confiance à mes émotions.

    0

    1

    2

    3

    4

     

    Additionnez chacune des colonnes et faites le total :

     

     

     

     

     

     

    Grand total :

     

     

     

     

     

     

    Résultats du test : entre 0 et 24 : codépendance très légère / entre 25 et 49 : légère / entre 50 et 59 : moyenne / entre 60 et 74 :  sévère / entre 75 et 100 : très sévère.

    Ressources documentaires 

    Dr Claude Uelinger, Maryse Tschui, Quand l’autre boit, guide de survie pour les proches de personnes alcooliques, éditions Anne Carrière, 2006, 197 p.

    Mélody Beattie, Vaincre la codépendance, Pocket Evolution, 1991, J.C. Lattès, 302 p.

    François Besançon, Drogues, alcool en parler en famille, Collection Vivre et communiquer, Interéditions, Paris, 2006, 185 p.

    Woititz Geringer Janet, Enfants adultes alcooliques, Édition Sciences et Culture, 2002.

     

    Quelques contacts et adresses utiles :

     Pour les parents

     Drogues Alcool Tabac Info Service (groupement d’intérêt public) est le service national d’accueil téléphonique pour l’information et la prévention sur les drogues et les dépendances. Il s’adresse à toute personne concernée, directement ou indirectement, par les consommations de drogues et notamment de cannabis et d’alcool. Il est accessible par trois numéros :

     Drogues Info Service 0 800 23 13 13 Appel gratuit depuis un poste fixe. 8 h/2 h. Avec un portable, appelez le 01 70 23 13 13 au prix d’une communication ordinaire.
     Écoute Alcool 0 811 91 30 30 Coût d’une communication locale depuis un poste fixe – 14 h/2 h.
    Écoute cannabis 0 811 91 20 20 Coût d’une communication locale depuis un poste fixe – 8 h/20 h.

    Le service assure une mission d’aide et d’information, sept jours sur sept, confidentielle et anonyme :

    • pour s’informer, demander conseil, comprendre, prendre du recul,
    • pour connaître les risques, les dangers, comprendre les effets,
    • pour savoir où demander de l’aide, consulter des professionnels compétents.

    Pour prendre contact avec un service de soins spécialisés en alcoologie  organisant des consultations ou des groupes de paroles accueillant les personnes vivant dans l’entourage d’un alcoolique, n’hésitez pas à contacter le siège départemental de l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie : http://www.anpaa.asso.fr/

    Forum : dans ma famille, l’alcool est un problème

    Ce forum existe sur le site de la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie), depuis 2006, en partenariat avec l’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie), la DATIS (Drogue, alcool, tabac info service) et l’ISPA (Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies).« Je trouve que j’ai un parent qui boit beaucoup. À qui en parler, où s’informer, comment font les autres, qui peut m’aider ? » Ce forum est ouvert pour permettre aux jeunes et à leur entourage de se poser ces questions, de partager leurs réponses, de trouver des exemples ou des témoignages, des livres ou des films qui les aident à comprendre et à avancer.

    http://www.drogues.gouv.fr/article5120.html

     

    Les groupes d’entraide associatifs

     

    Alanon

    Les groupes Alanon accueillent des parents ou des amis d’alcooliques ; ils fonctionnent sur le même modèle que les Alcooliques Anonymes (cf. p. ), proposent un programme de rétablissement en douze étapes et font du détachement un outil de développement personnel. L’association, qui garantit la confidentialité et l’anonymat des personnes, est libre de toute affiliation religieuse et politique.(Cf. le témoignage de Cécile p.)

     

    Alanon

    4, rue Fléchier 75009 Paris

    Tél. : 01 42 81 97 05 ou 01 42 80 17 89.

    http://assoc.orange.fr/al-anon.alateen.france/

     

    Alcool Assistance La Croix d’Or Groupes entourage

    Elle organise un accueil et des groupes de paroles spécifiques à vocation d’entraide pour les personnes vivant dans l’entourage des personnes malades alcoolodépendantes.

     

    Alcool Assistance La Croix d’Or Groupes entourage

    10, rue des Messageries 75011 Paris

    Tél. : 08 21 00 25 26 ou 01 47 70 34 18.

    http://www.alcoolassistance.net

     

     Pour les enfants et les jeunes

     

    Certains services spécialisés en soins alcoologiques, comme les centres de consultation  en alcoologie et en addictologie,  ou encore des services hospitaliers (à l’exemple de l’UTAMA à l’hôpital Beaujon, à Clichy), organisent des actions d’accueil spécifiques pour les enfants de sept à dix-sept ans vivant dans l’entourage d’une personne alcoolodépendante. Ces actions prennent deux formes : les groupes de parole d’enfants et de jeunes et les entretiens individuels.

     

    Les groupes de parole peuvent réunir des enfants d’âges très différents. Selon les cas, ce sont des lieux de vie où s’organisent des projets de sortie et les rencontres constituent des étapes vers l’aboutissement du projet. Dans d’autres cas, il s’agit de groupes thérapeutiques, de temps d’échange, d’expression.

    Ils sont organisés par des professionnels, le plus souvent des psychologues formés à l’alcoologie et à la thérapie familiale ou des médecins, assistantes sociales, infirmières…

     

    Les entretiens individuels, généralement assurés par un psychologue, offrent au jeune un temps d’échange en tête-à-tête avec un professionnel.

     

    Autres lieux d’accueil jeunes :

    Les Point Accueil Ecoute Jeune (PAEJ) 

    Les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)

    Les maisons des adolescents.

     

    Pour connaître la liste de ces lieux, appelez le siège départemental de l’ANPAA

    ou Trouver de l’aide sur le site de la MILDT.

    http://www.drogues.gouv.fr/



    [1]        Pierre Uehlinger, Marlyse Tschui, Quand l’autre boit, guide de survie pour les proches de personnes alcooliques,  Éditions Anne Carrière, pp.188-189.

    [2]      Kitchens a élaboré ce test à l’université du nord du Texas et l’utilise comme outil de diagnostic pour les codépendants.


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